Injury time

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samedi 28 janvier 2012

Le football, cette Arlésienne.




Aujourd'hui, en 2012, le football est toujours le sport-roi. Partout, tout le temps. Même peut-être plus que jamais. Et même plus que jamais plus. En suivant Hegel, nous sommes au sommet du cycle,  le point de développement ultime est atteint,  une longue décadence va suivre. En suivant Lizarazu, la vague a atteint son peak, elle s'apprête à casser. Tel un kitesurfer en plein vol, le football n'a plus les deux pieds sur terre. Les quelques instants d'apesanteur et d'euphorie ne durent jamais. La gravité reprend toujours ses droits. Pour préparer l’amerrissage, encore faut-il savoir être en plein vol.

Incontestablement le football est partout. Bien plus que dans mon adolescence d'ailleurs, âge tendre où l’idolâtrie pour le ballon rond naquit. L'arrivée du net donna au football un nouveau terrain de jeu où plonger ses tentacules. Nous avons tous 3,4,5,...11 sites de pronos, d' infos mercato, et de groupes de supporters dans nos favoris. Presse et télévision semblent, de prime abord(!) suivre le même élan: les moyens déployés ne cessent de grossir et les droits TV sont faramineux.  Quant les droits TV de la Ligue 1 s'élevaient en 1984-1985 à 2 millions d'euros par an, nous parlons aujourd'hui de 668 millions d'euros par saison pour le dernier contrat en cours...

Devant cette augmentation exponentielle, les fédérations et les clubs auraient pu se frotter les mains et profiter de cette manne pour assurer à long terme leurs subsistances. Bien entendu, ils n'en firent rien et préférèrent, en bons capitalistes mais mauvais gestionnaires qu'ils sont, trouver le moyen de presser encore un peu plus le citron. La commission européenne leur fût d'une aide précieuse, en préconisant en 2003, la vente des droits en lot. Avant 2003, le propriétaire des droits disposait entièrement des images des matchs. Depuis 2003, les diffuseurs répondent à des appels d'offre pour la retransmission des matchs du samedi soir, et/ou du dimanche après-midi, et/ou des résumés, et/ou etc..Somme toute, le calcul était bon. Avant 2003, on nous vendait des kitesurfs complets à 100 euros pièce, depuis 2003, on nous vends une planche à 50 euros, des filins à 50 euros et un cerf-volant à 50 euros: jackpot! A court terme, c'était bien vu.

Pourquoi à court terme? Nous sommes là face à un premier paradoxe. Si le montant des droits a explosé au fil des ans, à l'inverse,  la disponibilité des matchs et des résumés pour les amateurs à diminuer dans la même mesure. En saucissonnant l'offre à l'extrême, les diffuseurs disposent d'une partie de plus en plus réduite du spectacle. Dès lors, les amateurs de foot ont, au final, moins d'heures de foot à disposition! A moins de contracter plusieurs abonnements à Canal+, Orange et je ne sais qui encore, le supporter de Nancy ou d'Evian ne peux suivre son équipe, avec un peu de chance, qu'une à deux fois par an en Coupe de la Ligue ou en Coupe de France! Même pour visionner un court résumé du match du w-e, il faut ouvrir le porte-monnaie. A moins de se satisfaire des 5 secondes d'images lors du JT sur France3  Lorraine ou de France 3 Rhônes-Alpes. En effet, un téléspectateur lambda qui ne disposerait que des chaines nationales gratuites doit se contenter en France de l'hebdomadaire Téléfoot. Les dirigeants de la Ligue 1 sont des sadiques!

J'en arrive à un second paradoxe. La vente des droits garantissant l'exclusivité à un seul diffuseur a abouti dans les médias l'émergence de phénomènes comme Téléfoot. Outre le niveau proche du zéro absolu de l'émission et de ses animateurs ( ne salissons pas le terme "journaliste"), constatons qu'il ne s'agit là plus du tout de football. Téléfoot n'est une émission de foot, c'est une évocation du football. La rubrique Zapping comporte les seuls instants durant lesquels on peut apercevoir un gars en short avec un ballon au pied. Ca dure 4 fois 8 secondes, et c'est filmé avec un GSM. Avant et après c'est de la pub, une interview d'un joueur marseillais sur fond noir(Marseille peut-il être champion?), une page de pub, une interview de Samuel Etoo(Le Cameroun peut-il gagner la coupe du monde?), une page de pub,  un reportage sur Cristiano Ronaldo( le Real peut-il être champion?), une page de pub, et pour finir l'avis de Lizarazu ou Barthez sur les chances de la France à l'Euro. A la fin de Téléfoot, j'ai le sentiment d'avoir été roulé.

Téléfoot, c'est comme se promener dans un musée où l'on aurait décrocher les tableaux. L'atmosphère y est, pas l'art. Et si en présence de l'art, les spectateurs gardent le silence, ont les regards plongés dans les œuvres, le cœur prêt à chavirer, et les émotions en pagaille. En l'absence de l'art,  plus personnes n'observent le silence et très vite on discute, on échafaude, on évoque : "Ce musée serait sur le point d'acheter une œuvre d'art contemporain! Ah! Non! Pas ça! Rien ne remplace les impressionnistes! D'ailleurs, j'ai entendu qu'ils seraient sur le point d'échanger un Matisse contre un Gauguin avec le Guggenheim!" Voilà, et un peu plus tard on invente artmercato.net.

Car bien entendu, des sites comme footmercato.net sont de la même veine. On évoque, on suppute, on feuilletonne , on épisode. Beckham viendra, Beckham viendra pas, Beckham viendra, Beckham viendra pas. Tevez viendra, Tevez viendra pas, Tevez viendra, Tevez viendra pas. Une véritable nébuleuse de sites du genre a trouvé sa place dans nos bookmarks.  Certains proposent une vision décalée, ironique et parfois une belle plume comme les Cahiers du foot ou So Foot, et d'autres une véritable expertise comme France Football, mais l'immense majorité usent des claviers vainement. Mais, notre supporter de Nancy ou d'Evian aurait la saugrenue idée de mater le résumé de samedi sur le net qu'il pourrait toujours se gratter.

En cédant les droits au plus offrant, la Ligue 1 fait le choix de couper le cordon ombilical qui lie le football à ses fans: les matchs, les 90 minutes. Car ce sont les matchs, les surprises, les derbys, les révélations qui font naitre les passions. Au stade, ou devant la TV, on se prend à rêver. D'autre matchs, d'autres surprises, d'autres derbys et d'autres révélations entretiennent la passion et font naître l'espoir. Car il y a, aujourd'hui, des passionnés plein d'espoirs en France, il se trouve des clients pour payer le droit de regarder le foot à la TV. La grosse erreur, c'est de ne s'adresser qu'à eux et uniquement à eux. Les dirigeants choisissent de plus s'adresser qu'à cette cible. Le robinet à images est coupé pour tous les autres, les instances du foot français organisent le sevrage de l'immense majorité de leur public. Privé de résumés, de matchs, le gamin de Lorraine ou de la région Rhônes-Alpes se détourne tout naturellement vers le Barca, le Real, Manchester ou encore Arsenal! Un gamin de 16 ans a instinctivement besoin d'un Théâtre des Rêves, et pas les moyen de se payer Marcel-Picot, ni les résumés de l'ASNL sur Orange.fr! A moyen terme, c'est le renouvellement du public qui est compromis. La Ligue scie la branche sur laquelle elle est assise.

Téléfoot, footmercato.net  et toutes cette constellation de phénomènes qui vivent dans la galaxie du football ne sont ni inutiles, ni foncièrement néfastes. Ils sont l'ombre du foot qu'ils suivent pas à pas. Il y a peu, la lumière a été éteinte. Et bientôt, on se rendra compte que l'évocation, le reflet, ne sont pas suffisant pour entretenir la flamme du foot dans le cœur des supporters. Très bientôt, l’amerrissage....

jeudi 19 janvier 2012

Chronique de la fin des mercatos


Au mois de novembre dernier, Bart Goor a rejoint les rangs de Westerlo, et ce, hors des périodes de transferts habituelles. Suite à la rupture unilatérale de son contrat par le Beerschot AC, le milieu gauche a pleinement profité de l'article 913 du règlement de l'Union Belge permettant, dans certains cas, à un joueur de changer de club en dehors des périodes classiques. Des voix s'élevèrent, dont celle d'Alain Lommers, directeur général du RAEC Mons, qui évoquait une "falsification du championnat". Tandis que de son côté, Benoît Morrenne, président du STVV, souhaitait porter l'affaire aux tribunaux, ni plus ni moins. Car, bien entendu, en filigrane, on soupçonne le Beerschot et Westerlo d'avoir réalisé un transfert déguisé et donc non-autorisé en agissant de la sorte. Indéniablement, si Westerlo et Anvers ont manigancé, les deux équipes ont enfreint de façon pernicieuse les règles auxquelles s'astreignent les autres cercles de l'élite. Vu sous cet angle là, il y a eu falsification!  Dans le même ordre d'idée, Alain Lommers craignait qu'à l'avenir une multitude de joueurs excédentaires  profitent de  la combine pour fouler d'autres pâtures, compromettant ce faisant une certaine vision de l'éthique sportive. Je vous propose toutefois de mettre en perspective.

Se pose inévitablement la question de la pertinence de la règle. Autrement dit, est-il juste d'interdire les transferts de joueurs en dehors des mois de juillet, août et janvier? Cette règle est finalement très peu souvent remise en cause, il s'agit d'un état véritable état de fait. Si, à l'origine, le mercato estival précédait le début de la saison,  William Vainqueur, par exemple, en arrivant le 30 août au Standard avait déjà manqué 10 matchs des rouches. Et non des moindres, les confrontations de qualification européennes face au FC Zurich et Helsingborgs avaient déjà esquissé les contours de la version 2011-2012 du RSCL. En autorisant le commerce de joueurs de football dans une compétition vieille d'un mois, on admet de facto la falsication. A fortiori, si on l'admet après 4 mois durant le premier de l'année civile. Éthiquement, pourquoi un transfert serait-il acceptable le 31 janvier et plus du tout le 3 février? Recevable à l' Assomption et pas du tout à l'Ascension?  Un club offrant un meilleur emploi à un gamin le premier février doit-il considéré comme un braconnier refroidissant un cerf le lendemain de la fermeture de la chasse?

Légalement ensuite, un jour ou l'autre un club perdra un gros paquet de millions car le fax de la fédé sera à court de papier 5 minutes avant minuit. Le club portera l'affaire en justice et, un jour ou l'autre, un juge finira par se rendre compte de l'évidence: les réglèments de la FIFA ne sont pas supranationaux. Les périodes de transfert sont une entrave à la liberté d'entreprendre, à la libre circulation des travailleurs. Aussi saugrenue que l'idée puisse paraître, les clubs sont des entreprises comme les autres qui sont même parfois cotés en bourse (Manchester, Arsenal, Ajax,....). Soyons sérieux, on ne peut pas demander à Apple de vendre des Iphone uniquement du premier au 31 décembre, ni à Opel de vendre ses Zafiras que durant le salon de l'auto! Un jour ou l'autre, un président de club se demandera pourquoi il ne peut vendre ses produits que 3 mois par an! Il se demandera également pourquoi un concurrent danois peut, grâce à son calendrier printemps-automne, lui souffler le petit génie suédois que ses scouts lui recommandent chaudement depuis des mois. Et ce, alors que nous sommes au mois de mars et qu'il est, lui, interdit de transfert jusqu'au premier juillet...

Si dans le dossier Goor, c'est le club qui a brisé le contrat de façon unilatérale, le scénario inverse a déjà été observé avec, notamment, Steven Defour lors de son passage de Genk au Standard. S'appuyant sur la loi de 1978, le médian menaçait ses dirigeants de faire ses valises, sans au-revoirs, sans mercis. Les menaces avait fait plier Jos Vaessen qui au risque de voir filer sa perle, avait finalement accepter de la brader. En effet, la sus-mentionnée loi de 78 permet à chaque de travailleur de casser son contrat de travail sans prester de préavis à condition de payer une indemnité à hauteur du nombres de mois de contrat restants. Néanmoins, les cas sont peu nombreux et pour cause, les clubs sont pour le moins frileux à l'idée de laisser de telles pratiques se propager. Bien souvent, la valeur comptable des clubs est assise dans son vestiaire. Et on ne laisse pas les portes du vestiaires entrouvertes, on les cadenasse. Afin de décourager des éventuels velléités de départ, les équipes de l'élite vont même plus loin. Un gentlemen agreement existe entre les formations de l'élite. Tous ce sont entendus afin de ne pas engager de joueur ayant récupéré sa liberté via cette loi 78. En quelque sorte, un footeux ayant l'insolent culot de profiter de dispositions légales se retrouverait automatiquement sur une liste noire. Sans espoir de retrouver de l'embauche, l'impudent footeux se verrait contraint et forcé de faire sa baluchon et de tenter sa chance à l'étranger. Sauf que la FIFA, ce grand organisme humaniste, démocratique, et progressiste, punit de 6 mois de suspension les effrontés de ce genre. Au fnal, le footballeur n'est pas un travailleur libre. Un jour où l'autre, un nouveau Jean-Marc Bosman, un Spartacus moderne, un footeux plus courageux que la moyenne pointera le bout de son godiot, et échangera son agent contre un bon avocat.

Que ça soit à l'instigation d'un club ou d'un joueur, le système des mercatos sera aboli dans un tribunal. Dans 5, 10 ou 20 ans. Après 4 appels et 3 recours, la FIFA devra faire machine arrière et laisser la place au mercato universel du marché du travail: celui qui commence le premier janvier et se termine 31 décembre! Ce jour-là, Alain Lommers, Benoît Morenne, et beaucoup d'autres risquent d'avoir mal à leur éthique sportive.