Injury time

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mardi 18 septembre 2012

Le salaire de la honte


40 millions d'euros. Voila sans doute le chiffre à retenir du mercato belge. Le montant dépensé deux fois cet été pour attirer deux pépites noirs-jaunes-rouges. Le départ d'Hazard vers les sommets du football européen était attendu de longue date. Eden avait annoncé ses envies d'ailleurs et tout le monde, de Zidane à Ferguson, le draguait. Le transfert d'Axel Witsel était lui moins attendu. Il y a un an, lorsqu' Axel quittait Liège pour Lisbonne, de nombreux observateurs doutaient qu'il s'agisse là d'un véritable pas en avant. Certains s'imaginaient que le Benfica et Standard jouaient dans la même division. Aujourd'hui, force est de constater qu'Axel avait vu juste. Bravo à lui, car savoir diriger sa carrière, c'est aussi l'apanage des grands joueurs. En un an il est devenu un incontournable de nos red devils et l'un des tout meilleurs (et plus chers) médians d' Europe. Alors que les médias nous annonçaient Witsel plutôt en Espagne ou in UK, c'est finalement le Zenith Saint-Petersbourg qui a chopé la floche.

A Question idiote...

Une fois de plus, un club russe attire un talent à force de roubles. Un gros sac de rouble pour le coup. Et une fois de plus, la meute des journalistes assaillent l'heureux émigré de la même curieuse question: "C'est pour l'argent?"

J'ai beau cherché dans ma mémoire, je ne me souviens pas d'un joueur ayant répondu par l'affirmative à cette question. A question idiote, réponse idiote. Nous avons le plus souvent droit à une belle langue de bois. Certains ont beaucoup apprécié le projet du club, d'autres ont senti dans les discours de l'entraîneur et du président qu'ils étaient vraiment désirés. Bien sûr certains sont plus honnêtes que d'autres et concèdent que l'argent a joué un rôle, en tempérant tout de même par un très à la mode : "Si je jouais pour l'argent, j'aurais signé plutôt à Outsiplou-les-bains-de-pieds...".  Le pognon, oui....mais pas trop.

Cette foutue question est lourde de sens. Comme si les journalistes étaient jaloux du type vers qui ils tendaient leur question. Ces micros tendus sont comme des lances, des piques, prêts à transpercer le zique nouvellement plein aux as. "Votre transfert, c'est le choix de l'argent?" L'air de dire: " Tu serais pas un abominable cupide, connard?"  Mais finalement qu'est ce qu'on leur reproche à ces joueurs de foot? Qu'est ce qui dérange tant? Les footeux sont-ils foncièrement mauvais car ils signent des contrats à 6 zéros?  A-t-on jamais vu un illuminé refuser de gagner au lotto?

Le salaire de la honte...

Bien sûr, les sommes astronomiques parfois atteintes sont parfois dérangeantes, choquantes, à tout les coups interpellantes. Voilà bien une idée qui est dans l'air du temps, qui alimentent les discussions, qui est très politiquement correcte. Car oui, en France comme en Belgique, il est de bon ton pour  les politiques de tirer à boulets rouges sur ces nouveaux riches, ces fortunes bien mal acquises. Notamment les ministres Jérome Cahuzac et Nadia Vallaud-Belkacem qui se plaignaient il y a quelques semaines du salaire indécent et choquant (14 millions d'euros) d'Ibrahimovic au PSG. Voila la question que se pose l'opinion publique aujourd'hui: "Est-il normal de gagner 1,3, ou 14 millions d'euros par an quand des milliers de personnes dorment dans la rue chaque nuit?" Voila l'air du temps, voila ce qui flotte dans nos rues, nos journaux, nos émissions de TV. Le salaire du suédois est le salaire de la honte. Au final, voilà ce qu'on retrouve en concentré dans la question :" Ce transfert, c'est pour l'argent?" Plus qu'un question, c'est un reproche déguisé. Plus qu'un reproche, une accusation.

D'abord, on se trompe de coupable, si coupable il y a. Pour quelle raison le striker devrait faire une croix sur son gros tas d' oseille? Witsel et consorts n'ont absolument aucune raison d'être gêner de gagner de l'argent dans l’exercice de leur métier. Bien entendu le salaire n'a aucune commune mesure avec la pénibilité du job, mais ils monnaient leur talent comme tout autre travailleur. Ceux qui devraient être dans la ligne de mire, c'est bien sur ceux qui allongent!  Les demi-fous qui investissent des millions d'euros dans un club de foot dans le but de gagner des coupes et des championnats. Ce qui est malsain, ce n'est pas d'être payé 3 millions d'euros par an pour taper dans la balle, mais bien de payer ce salaire dément!

La couronne de lauriers...

Au lieu de se demander si Ibracadabra est vénal, on ferait bien mieux de demander à  Nasser Al-Khelaïfi pourquoi il n'investit pas ses millions dans la construction d'orphelinats! Avec ces millions d'euros, on peut en faire des choses! Ce sont ces milliardaires qui alimentent la bulle spéculative du football moderne, et ce sont eux les coupables du malaise dans les discussions du café des sports. Si l'argent leur offre déjà pouvoir,  villas luxueuses et belles carrosseries, il leur manque bien souvent le prestige. Et ces entasseurs de billets vont le chercher dans le sport, et dans le plus mieux de tous: le football. Avoir son nom associé dans la même phrase, de l'autre côté du verbe, à Beckham ou Kaka, est un puissant dopant pour les égos avides de reconnaissance de ces nouveaux riches.

Et ça marche. Pour preuve, en 2000 seuls les abonnés à Forbes connaissaient l'oligarque russe, alors qu'aujourd'hui l'influence et la renommée d'Abramovitch sont mondiales. En 2008, seul Bruno Metsu connaissait le tennisman qatari. Aujourd'hui de Boulogne à Auteuil, tout Paris remercie Al-Khelaïfi à genoux. Quand Abramovitch mets 40 millions d'euros pour Hazard, ce n'est pas un footballeur qu'il s'offre, ce n'est pas la plus grosse promesse du foot européen qu'il se paie,  c'est un servant pour porter sa couronne de lauriers.