Injury time

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jeudi 19 janvier 2012

Chronique de la fin des mercatos


Au mois de novembre dernier, Bart Goor a rejoint les rangs de Westerlo, et ce, hors des périodes de transferts habituelles. Suite à la rupture unilatérale de son contrat par le Beerschot AC, le milieu gauche a pleinement profité de l'article 913 du règlement de l'Union Belge permettant, dans certains cas, à un joueur de changer de club en dehors des périodes classiques. Des voix s'élevèrent, dont celle d'Alain Lommers, directeur général du RAEC Mons, qui évoquait une "falsification du championnat". Tandis que de son côté, Benoît Morrenne, président du STVV, souhaitait porter l'affaire aux tribunaux, ni plus ni moins. Car, bien entendu, en filigrane, on soupçonne le Beerschot et Westerlo d'avoir réalisé un transfert déguisé et donc non-autorisé en agissant de la sorte. Indéniablement, si Westerlo et Anvers ont manigancé, les deux équipes ont enfreint de façon pernicieuse les règles auxquelles s'astreignent les autres cercles de l'élite. Vu sous cet angle là, il y a eu falsification!  Dans le même ordre d'idée, Alain Lommers craignait qu'à l'avenir une multitude de joueurs excédentaires  profitent de  la combine pour fouler d'autres pâtures, compromettant ce faisant une certaine vision de l'éthique sportive. Je vous propose toutefois de mettre en perspective.

Se pose inévitablement la question de la pertinence de la règle. Autrement dit, est-il juste d'interdire les transferts de joueurs en dehors des mois de juillet, août et janvier? Cette règle est finalement très peu souvent remise en cause, il s'agit d'un état véritable état de fait. Si, à l'origine, le mercato estival précédait le début de la saison,  William Vainqueur, par exemple, en arrivant le 30 août au Standard avait déjà manqué 10 matchs des rouches. Et non des moindres, les confrontations de qualification européennes face au FC Zurich et Helsingborgs avaient déjà esquissé les contours de la version 2011-2012 du RSCL. En autorisant le commerce de joueurs de football dans une compétition vieille d'un mois, on admet de facto la falsication. A fortiori, si on l'admet après 4 mois durant le premier de l'année civile. Éthiquement, pourquoi un transfert serait-il acceptable le 31 janvier et plus du tout le 3 février? Recevable à l' Assomption et pas du tout à l'Ascension?  Un club offrant un meilleur emploi à un gamin le premier février doit-il considéré comme un braconnier refroidissant un cerf le lendemain de la fermeture de la chasse?

Légalement ensuite, un jour ou l'autre un club perdra un gros paquet de millions car le fax de la fédé sera à court de papier 5 minutes avant minuit. Le club portera l'affaire en justice et, un jour ou l'autre, un juge finira par se rendre compte de l'évidence: les réglèments de la FIFA ne sont pas supranationaux. Les périodes de transfert sont une entrave à la liberté d'entreprendre, à la libre circulation des travailleurs. Aussi saugrenue que l'idée puisse paraître, les clubs sont des entreprises comme les autres qui sont même parfois cotés en bourse (Manchester, Arsenal, Ajax,....). Soyons sérieux, on ne peut pas demander à Apple de vendre des Iphone uniquement du premier au 31 décembre, ni à Opel de vendre ses Zafiras que durant le salon de l'auto! Un jour ou l'autre, un président de club se demandera pourquoi il ne peut vendre ses produits que 3 mois par an! Il se demandera également pourquoi un concurrent danois peut, grâce à son calendrier printemps-automne, lui souffler le petit génie suédois que ses scouts lui recommandent chaudement depuis des mois. Et ce, alors que nous sommes au mois de mars et qu'il est, lui, interdit de transfert jusqu'au premier juillet...

Si dans le dossier Goor, c'est le club qui a brisé le contrat de façon unilatérale, le scénario inverse a déjà été observé avec, notamment, Steven Defour lors de son passage de Genk au Standard. S'appuyant sur la loi de 1978, le médian menaçait ses dirigeants de faire ses valises, sans au-revoirs, sans mercis. Les menaces avait fait plier Jos Vaessen qui au risque de voir filer sa perle, avait finalement accepter de la brader. En effet, la sus-mentionnée loi de 78 permet à chaque de travailleur de casser son contrat de travail sans prester de préavis à condition de payer une indemnité à hauteur du nombres de mois de contrat restants. Néanmoins, les cas sont peu nombreux et pour cause, les clubs sont pour le moins frileux à l'idée de laisser de telles pratiques se propager. Bien souvent, la valeur comptable des clubs est assise dans son vestiaire. Et on ne laisse pas les portes du vestiaires entrouvertes, on les cadenasse. Afin de décourager des éventuels velléités de départ, les équipes de l'élite vont même plus loin. Un gentlemen agreement existe entre les formations de l'élite. Tous ce sont entendus afin de ne pas engager de joueur ayant récupéré sa liberté via cette loi 78. En quelque sorte, un footeux ayant l'insolent culot de profiter de dispositions légales se retrouverait automatiquement sur une liste noire. Sans espoir de retrouver de l'embauche, l'impudent footeux se verrait contraint et forcé de faire sa baluchon et de tenter sa chance à l'étranger. Sauf que la FIFA, ce grand organisme humaniste, démocratique, et progressiste, punit de 6 mois de suspension les effrontés de ce genre. Au fnal, le footballeur n'est pas un travailleur libre. Un jour où l'autre, un nouveau Jean-Marc Bosman, un Spartacus moderne, un footeux plus courageux que la moyenne pointera le bout de son godiot, et échangera son agent contre un bon avocat.

Que ça soit à l'instigation d'un club ou d'un joueur, le système des mercatos sera aboli dans un tribunal. Dans 5, 10 ou 20 ans. Après 4 appels et 3 recours, la FIFA devra faire machine arrière et laisser la place au mercato universel du marché du travail: celui qui commence le premier janvier et se termine 31 décembre! Ce jour-là, Alain Lommers, Benoît Morenne, et beaucoup d'autres risquent d'avoir mal à leur éthique sportive.

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